Arpenter les rues de Marrakech, c’est éprouver une densité de sensations inattendue, loin des images figées du tourisme ou des récits nostalgiques. Les lieux, ici, ne se laissent pas réduire à de simples décors : ils portent la marque du passage du temps, des rencontres éphémères et des transformations incessantes. Un café disparaît, une salle de cinéma devient silence, un jardin s’efface sous le béton. Plus qu’une lamentation, chaque disparition interroge : que reste-t-il de nous quand nos repères cèdent la place à l’oubli collectif ?
Le livre « Marrakech, lieux évanescents » n’est ni un recueil de photographies perdues, ni une méditation passéiste. C’est un acte littéraire, un geste fragile mais déterminé, pour donner voix à ces espaces qui s’effacent sans bruit. Par l’écriture, des auteurs de la ville creusent la matière de leur mémoire et tissent des fragments de vie : la tendresse d’un salon de quartier, la rumeur d’une fontaine, les chuchotements d’une ruelle. Il n’y a pas ici de mythification ni d’idéalisme, seulement la volonté de rendre justice aux complexités, à la beauté imparfaite et à la pluralité de la ville.
Face au rythme effréné du monde actuel, la sauvegarde de la mémoire devient un défi vital. Sauver Marrakech, ce n’est pas figer ses façades dans l’ambre du passé, mais préserver la texture sensible de la ville : ces détails minuscules qui donnent chair et âme à l’enfance et à l’appartenance. L’écriture devient alors acte de résistance, refus discret d’une uniformisation qui menacerait la saveur des jours. Ce livre est une invitation à regarder autrement, à écouter ce qui subsiste entre les pierres, dans la lumière changeante des souvenirs et le bruissement obstiné de la vie.