Juan Goytisolo, l’exilé qui a fait de Marrakech son royaume littéraire

Rédigé le 26/07/2025
BooKech بوكِش


Difficile d’imaginer la ville de Marrakech sans l’ombre discrète de Juan Goytisolo, écrivain espagnol parmi les plus singuliers et influents du XXe siècle. Arrivé à la fin des années 1990, il choisit la médina comme territoire d’ancrage et d’errance quotidienne, préférant ses ruelles vivantes à tout exotisme de carte postale. Pour lui, Marrakech n’est ni une parenthèse dorée ni un simple décor oriental : c’est un “cinéma permanent”, une mosaïque constamment renouvelée de visages, de voix et de récits. Chaque jour, il traverse la place Jemaa el-Fna, observe les conteurs populaires, recueille l’insolite, déchiffre les signes de la ville comme autant de matériaux littéraires.

Écrivain de l’exil, farouchement critique de l’Espagne franquiste, Goytisolo a bâti son œuvre dans la tension entre racines et déracinement. Marrakech, pour lui, est un port d’attache paradoxal : lieu d’accueil, mais aussi de vertige, de traversées et de seuils. Dans ce carrefour des cultures et des mémoires, il a trouvé l’espace pour réinventer sa langue, fécondée par l’arabe, le français, par la rumeur du monde et les silences de la ville ocre. Son roman « Makbara » en est l’un des plus beaux témoignages : s’éloignant du roman traditionnel, Goytisolo y déplie une fresque foisonnante où Marrakech apparaît tour à tour crue et onirique, matrice et limite, miroir des contradictions modernes.

Aujourd’hui encore, la postérité de Juan Goytisolo à Marrakech fait écho à son esprit libre et à sa curiosité sans frontières. Entre cimetière de Larache, où il repose, et souvenirs errants du labyrinthe marrakchi, son visage hante les écritures, inspire, bouscule. Il demeure, pour beaucoup, l’écrivain qui a saisi la ville avec la sincérité du regard et la rigueur du style, transformant les paysages du quotidien en territoire littéraire universel.