Dinah Jefferies n’écrit pas pour faire rêver à l’exotisme ; elle creuse. Derrière les apparences luxuriantes, ses romans interrogent la filiation, les déchirures de l’histoire et les silences transmis de mère en fille. Britannique née en Malaisie, Jefferies porte en elle les strates d’une mémoire plurielle, entre colonisations, migrations, et résilience féminine. Chaque livre semble porter un fragment de ce puzzle d’identités que le passé colonial européen a souvent dispersé.
Depuis *The Separation* (2014), elle explore l’intime dans ses croisements avec le politique. Mais c’est avec la trilogie *Daughters of War* qu’elle affirme sa capacité à construire une saga traversant les continents et les générations. Ce cycle, marqué par les destins de femmes enracinées dans l’histoire du XXe siècle, s’achève avec *Night Train to Marrakech* (2023), situé dans le Maroc de l’indépendance, en 1966. Si la ville rouge y est d’abord décor, elle devient très vite catalyseur : d’une quête familiale, mais aussi d’un éveil intérieur chez ses héroïnes.
Jefferies ne cède jamais à l’illusion pittoresque. Son Marrakech est à hauteur de regard : filtré par les perceptions d’une jeune femme venue recomposer son histoire, sans raccourci orientaliste. L’autrice y réussit une rare alchimie — donner voix aux fissures, sans réduire le décor à un simple arrière-plan.
Écrivain de la transmission et de l’émancipation, Dinah Jefferies œuvre à une cartographie sensible des femmes en lutte avec leur héritage. À travers des romans historiques subtilement documentés, elle fait émerger des figures puissantes, qui refusent à la fois le silence et la nostalgie facile. Une littérature du lien, du déracinement et du courage sans emphase.